Mbaye Diop

L’Arbre à Palabre à l’arbre Numérique (2019), La Becque, Suisse

Mbaye Diop (né en 1981 à Richard Toll, Sénégal) a effectué un master en pratique artistique contemporaine à la Head School of Geneva en Suisse ainsi qu'aux Beaux-Arts de Dakar.

Mbaye Diop est un observateur attentif des scènes urbaines quotidiennes et des formes architecturales du Sénégal, autant que des mouvements sociopolitiques contemporains à l’origine des liens qui se redéfinissent entre le continent Africain et l’Occident. De la vidéo, la performance, le dessin, à l’installation, la singularité de son oeuvre réside dans l’emploi exclusif et quasiment obsessionnel qu’il fait du noir et blanc, lui permettant de neutraliser les scènes représentées. Son travail est témoin également des changements de paradigmes dans les sociétés africaines, et notamment la dichotomie rencontrée entre les traditions, les nouvelles infrastructures urbaines et technologiques qui modifient l’habitat collectif et le rapport à l’environnement. Ses recherches dressent le portrait d’un pays qui connaît une croissance continue, et où se mêlent des architectures coloniales, bâtiments en décrépitude et encombrement urbain. Sa conception de l’urbanité ouvre la voie à une véritable géographie des espaces de sociabilité dans les villes. 

L’univers de Mbaye Diop, à la croisée du témoignage et de la fiction, se déploie le plus souvent à travers un espace d’exposition utilisé dans son ensemble, avec de grandes peintures murales, et l'utilisation de transferts d'images telles que la sérigraphie, la linogravure ou la technique japonaise du Suminagashi sur de multiples supports (bois, carton, mur). Par le biais de la performance, l’artiste révèle son corps comme un sujet politique et interroge la manière d’habiter l’espace dans des environnements urbains saturés (Je lutte donc tu es, 2019, performance réalisée à Saint-Louis). Le choix de la performance n’est pas anodin dans un pays africain où l’enseignement artistique demeure classique. D’autres performances autour de la thématique de l’immigration, improvisées dans l’espace public en Europe, tendent à troubler et déconstruire les préjugés du corps noir, de “l’étranger” avec une touche d’humour, de tragique et de provocation.

Mbaye Diop explore également l’évolution des traditions africaines face à un monde numérique qui redistribue les cartes de la communication et rend plus ténus les liens de l’homme à la nature. En 2022 il propose lors de l’exposition officielle de la biennale de Dakar une installation vidéo, « De l’arbre à palabre à l’arbre numérique », qui évoque justement cette tension entre coutumes africaines et réalités virtuelles.Au sein d’une pièce dont les murs sont couverts de motifs végétaux noir charbon, un écran central retransmet la vidéo d’un homme émergeant d’un tas de branche, le regard fixé sur son téléphone, tandis que des smartphones dispersés dans l’installation diffusent un flot continu de messages récupérés par l’artiste sur les réseaux sociaux, lors de la projection en directe de la performance – une version contemporaine de l’arbre à palabres, hautement important dans la tradition africaine subsaharienne puisqu’il s’agit de l’arbre sous lequel se rassemblent les sages d’un village pour discuter les problèmes de la communauté. Mais il s’agit aussi pour Mbaye Diop de représenter le lien fondamental qui unit la tradition africaine aux éléments naturels, dont le végétal, mis en péril par la déforestation. Il remporte à cette occasion le prix UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine).      

Plus récemment il aborde le thème de l’immigration, à la fois comme phénomène collectif mais aussi en tant qu’expérience personnelle depuis son arrivée en Suisse, où il réside actuellement.  

Lors de ses études à la HEAD à Genève, il se penche sur l’expérience migratoire en questionnant les liens de pouvoirs unissant les deux continents, notamment par le motif emblématique de la pirogue qui revient à plusieurs reprises (La pirogue, sculpture et vidéo, 2021 ; Espace/Trépasse, vidéo, 2021) et rappelle la fragilité des trajectoires Sud-Nord. En 2021, Mbaye Diop réalise un film d'animation en collaboration avec Rémy Bender, intitulé "Espace Trépasse", et qui raconte l'histoire de deux Africains embarqués dans une conquête spatiale sur une pirogue, convoquant le vaste sujet des migrations actuelles entre l’Afrique et l’Europe par le biais d’une aventure extra-terrestre. Cette œuvre, sous son aspect poétique et humoristique, laisse transparaître une âpre réalité politique et économique au cœur des préoccupations de l’artiste.    

L’occupation de l’espace public est un thème cher à Mbaye Diop, qui a étudié, et même participé aux systèmes économiques informels du Sénégal, qu’il documente dans ses travaux. Les marchés - lieux de convergence en Afrique, faits d’infrastructures souvent temporaires et menacés à tout instant de disparition par la pression immobilière - sont le sujet de nombreuses de ses œuvres. Mbaye Diop filme puis dessine le fameux marché populaire dakarois de Colobane avant d’en faire un film d’animation Colobane (2020), réalisé à partir de 5000 planches de dessins.  

Par le choix du noir et blanc, Mbaye Diop retient les nuances d’ombres et de lumières d’une effervescence générale, effaçant les détails, traduisant le caractère organique et évanescent de ce qu’il voit. Quelle que soit la technique utilisée pour ses dessins et ses toiles, réalisés à partir de photographies, ses compositions présentent ainsi des formes induites qu’il faut observer quelques secondes avant de recomposer l’image – certains éléments restant délibérément cachés, reflet juste d’un monde où la clairvoyance n’a pas sa place.  


 

Oeuvres

 

Biographie

Crédit : Stéphanie Pfister

Mbaye Diop est un artiste sénégalais multidisciplinaire né en 1981 à Richard-Toll, dans le nord du Sénégal. Il travaille avec différents médias, notamment le dessin, la peinture, la performance, la sculpture et la vidéo, et crée des installations spécifiques.

En 2010, il est diplômé de l'École nationale des arts de Dakar et enseigne les arts plastiques dans la ville de Saint-Louis jusqu'en 2019. Il vit et Oeuvres en Suisse et a obtenu un master en pratiques artistiques contemporaines à la HEAD Genève (Haute école d'art et de design) en 2022.

Il utilise divers médias, notamment le dessin, la peinture, la performance, la sculpture et la vidéo, et crée des installations spécifiques. Le travail de Mbaye Diop a fait l'objet de nombreuses expositions personnelles, notamment : " Balle de Match " à Selebe Yoon, Dakar, Sénégal (2022) ; " De l'arbre à palabre à l'arbre numérique ", La Becque, Tour-de-Peilz, Suisse (2020) ; " Colobane ", Espace eeeh ! Nyon, Suisse (2020) ; "Chaussures Usées", Centre culturel Blaise Senghor, Dakar (2019) ; "Autour du poisson" Galerie Skopia, Genève, (2019) ; "Introspection", Institut Français, Saint Louis (2018) ; Wagni Diour espace eeeeh, Nyon, Suisse (2018) ; "Mame Coumba Bang",Théâtre de l'Orangerie, Genève, Suisse (2018) ; espace d'art EEEEH ! Nyon, Suisse (2018) ; "Le bon mouton", Institut Français, Saint-Louis, Sénégal (2017) ; Galerie Ethiopique, Saint-Louis, Sénégal (2016).

Son travail a également été sélectionné pour des expositions collectives : " Color Line ", Printemps Culturels, Quartier Général (QG), Neuchâtel, Suisse (2023) ; " Dérive en Péninsule ", L'Atlas, Paris, France (2023) ; The Norval Sovereign African Art Prize, Norval Foundation, Cape Town, Afrique du Sud (2023) ; " Ĩ Ndaffa#/Forger/Out of fire ", Biennale de Dakar, sous le commissariat d'El Hadji Malick Ndiaye (2022).

Il a effectué plusieurs résidences d'artistes, notamment à Selebe Yoon, Dakar (2022) ; Espace d'art Eeeeh, Nyon, Suisse (2021) ; La Becque, La Tour-de-Peilz, Suisse (2020) ; Résidence Trelex, Suisse (2020).

Il reçoit le prix de l'UEMOA pour la Biennale de Dakar en 2022 et le prix URTI/UNESCO pour son projet radiophonique "Maam Kumba Bang" en 2023. Il a également été nominé pour le Norval Sovereign African Art Prize au Cap, en Afrique du Sud, en 2023. `

Il a présenté des performances et des projections lors de nombreux événements, conférences et festivals, notamment pour "Neuchâtel empreintes coloniales" organisé par la Ville de Neuchâtel (2024) ; "Ecrans Urbains", Lausanne (2023) ; "Apprendre de Dakar" à Plateforme 10 et "Construire Dakar", tous deux organisés par le FAR (Forum d'Architectures, Lausanne), Lausanne (2023 & 2022) ; le Centre canadien d'architecture au Musée Théodore Monod, Dakar (2022) ; "Thiof" à Paris Internationale, Paris (2021).   

Sa pratique a également fait l'objet de nombreuses publications telles que " De l'arbre à palabres à l'arbre numérique ", éditions Ripopée, Suisse (2019), " Tukki le voyageur ", avec des textes de Saïd Ba, livre d'artiste, éditions Ripopée, Suisse (2018) ; " Mame Coumba Bang ", avec des élèves du lycée Ameth Fall de Saint-Louis, livre d'artiste, éditions Ripopée, Suisse (2018) ; " Le bon mouton ", livre d'artiste, éditions Ripopée, Suisse (2018). Il a effectué plusieurs résidences, notamment à Selebe Yoon, Dakar (2022) ; Résidence La Becque, La Tour-de-Peilz, SW (2021) ; Espace d'art Eeeeh, Nyon, SW ; et la Résidence Trelex, Trelex.

Mbaye Diop fait partie de plusieurs collections publiques et privées importantes aux États-Unis, en Europe et en Afrique, notamment le Musée de Nyon (Suisse), la CAAC - Collection Jean Pigozzi (Suisse), la collection JOM (Sénégal), pour n'en citer que quelques-unes. 

 

Expositions passées

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