Arébénor Basséne
Fasciné par les civilisations anciennes, rêvées ou oubliées, des grands empires d'Afrique à ceux de la Méditerranée, c'est pourtant le bégaiement de l'histoire qui donne naissance à la pratique artistique d'Arébénor Basséne (né en 1974,Dakar), construite comme des témoins imaginaires du passé. Les sources et matériaux anciens, tels que les parchemins ou les vestiges archéologiques, interrogent nos conditions d'accès à l'histoire - celle du visage originel d'une Afrique fantomatique ou fantasmée enfouie sous la poussière des siècles passés. Arébénor Basséne s'inspire des premières migrations africaines vers l'Andalousie, ainsi que de l'Égypte ancienne antérieure racontée par Cheikh Anta Diop, et de la culture diola de sa famille. Il s'intéresse à ces pans de l'histoire que l'on trouve difficilement dans les manuels scolaires, qu'il appelle " l'histoire officieuse ", confrontée à l'étroitesse de la perspective occidentale. Face aux récits pluriels de l'histoire, à ses falsifications et à ses preuves, une tension naît entre "vérité historique ou mythe", dégageant un imaginaire pictural pour l'artiste.
A une période où les artistes s’emparent des archives pour proposer de nouvelles perspectives de diffusion et de mise en valeur, le travail d’Arébénor Basséne prend justement la forme de reliquats qui mettent en lumière les récits d’une histoire passée sous silence. Il emploie des matériaux divers, tels que le papier, la gomme arabique – matière première qui fit l’attrait des côtes d’Afrique de l’Ouest pour les navigateurs étrangers, mais aussi l’encre utilisée pour les tablettes coraniques, le fouden (henné), des résidus de bois et des pigments naturels issus de la région de Dakar. Tandis que ses pièces monumentales se tournent vers l’abstraction, avec des paysages de nature dénués de repères historiques, sa pratique récente intègre des éléments figuratifs. Sur ses toiles ou ses papiers soumis à la technique du batik, trempés dans des bains de cire et de couleurs, se dessinent des formes humaines en mouvement – parfois seulement des membres : un bras, un pied, une jambe. Ils matérialisent l’ancrage dans le sol et résonnent comme des évocations de danses traditionnelles diola en Casamance, où les danseurs frappent frénétiquement le sol de leurs pieds.
Telles des archives où survivent des indices historiques, linguistiques et culturels, les figures s’épuisent dans des paysages de textures érodées. Les tonalités ocres marquent le passage du temps et sont entrecoupées de bleu, signe de la modernité venant briser la monotonie des couleurs terre. Inspiré par les écritures anciennes, les gribouillis d’enfants, les graffitis de rue, les gravures rupestres ou les balbutiements écrits des malades mentaux, ses œuvres sont parsemées de signes et formes illisibles. L’artiste place le spectateur dans la position de l’historien, de l’archéologue, du psychanalyste, du scientifique, qui, en découvrant des objets inconnus les transforme en objets d’étude – donnant au spectateur plusieurs manières d’interpréter ces archives visuelles. Or cette impasse intellectuelle est indépassable dans ses pièces – seule une approche sensible des formes, des textures et des couleurs est possible.
Oeuvres
Biographie
Originaire du sud du Sénégal, en Casamance, Arébénor Basséne est né en 1974 à Dakar. Fasciné par les civilisations anciennes, rêvées ou oubliées, des grands empires d'Afrique à ceux de la Méditerranée, c'est pourtant le bégaiement de l'histoire qui donne naissance à la pratique artistique d'Arébénor Basséne, construite comme des témoins imaginaires du passé.
Il est titulaire d'un master en civilisations et littératures africaines (2012-2013), d'une double licence en anglais et civilisations africaines (2010-2011) de l'Université Cheikh Anta Diop et est diplômé de l'École nationale des arts du Sénégal (1997-2001).
Arébénor Bassène, a réalisé des expositions personnelles : " Que je naisse, tout doux, semant ", présentée par Selebe Yoon à L'Atlas à Paris, France (2023) et " Mots de Neige, Histoires en Sable ", chez Selebe Yoon à Dakar, Sénégal (2021). Son travail a également été présenté dans les expositions collectives suivantes : " The wake, l'éveil, le sillage, Xàll wi ", 15e édition de la Biennale de Dakar, Ancien Palais de Justice Dakar, Sénégal (2024), " MUTATIONS ", Montresso Art Foundation, Marrakech, Maroc (2024), " Entre Parenthèses " Selebe Yoon, Dakar Sénégal (2024) ; " Sur le fil : broderies et tissage" organisée par 19M initialement au Musée Théodore Monod (IFAN), Dakar, Sénégal et dans leur galerie à Paris, France (2023). Il représente "le pavillon sénégalais" au Musée des Civilisations Noires pour la Biennale Dak'Art, Dakar, Sénégal (2022), participe au OFF de la Biennale de La Havane, Cuba (2019), "Jonction" au Musée Théodore Monod (IFAN), Dakar, Sénégal (2017), à l'exposition collective à l'Alliance française d'Addis-Abeba, Éthiopie (2017), "Regards sur cours" à l'Institut Gorée (2017), Elle figure dans la Biennale Dak'Art IN "La Cité dans le Jour Bleu", Dakar, Sénégal (2016) sous le commissariat de Simon Njami ; "Le Sénégal à Paris" présenté par la Maison de l'Afrique à la Rotonde de Montparnasse (2011), au premier mémorial Cheikh Anta Diop au Centre Culturel Français (1995).
Il est nominé pour le prix Norval Sovereign African Art Prize, à la Fondation Norval à Cape Town, Afrique du Sud et figure parmi les finalistes en (2023); il remporte le prix de la Mairie de Dakar (2022), le prix UEMOA - Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (2016) de la biennale de Dark’Art et Le prix du ministère de la culture au 9ème Salon national des artistes plasticiens (2011).
Arébénor Basséne est dans la selection officielle de la 15ème edition de la Biennale de Dakar