08 novembre - 22 février 2025
Melinda Fourn
Dans le creux de la main
Dans le creux de la main
À l’occasion de la 15ème édition de la Biennale de Dakar, la première exposition personnelle à Selebe Yoon de Mélinda Fourn, Dans le creux de la main, présente un ensemble de sculptures multimédia et de photographies.
En explorant la pérennité des savoir-faire artisanaux et la prolifération des gadgets technologiques à l’obsolescence programmée, Mélinda Fourn conçoit les bijoux comme une synthèse poétique. Le plus souvent porté à même la peau, parure pour le corps, marqueur social, objet intime ou symbole d’un lien fort - la bague représente pour l’artiste un condensé esthétique et social complexe. “Aussi petit soit cet accessoire, il est souvent porteur d’une signification profonde et intime, reflet de liens tissés, d’expériences de vie ou d’héritage transmis. Plus d’une fois, j’ai été angoissé par le fait d’en égarer une, tout comme la première que m’avait offerte ma mère à l’âge de 10 ans,” évoque Melinda Fourn sa propre expérience du bijou.
Réparties au sein de la galerie, trois sculptures de fer et d’acier à l’allure de bagues monumentales invitent le spectateur à se confronter aux agrandissements troublants d’objets habituellement si petits. Dans les montures se logent des écrans où défilent des séquences des processus de fabrication des bijoux dans les ateliers d'artisans, documentés par Fourn. Chaque sculpture devient un écrin qui rend visible la naissance de ces objets par ces mains qui forgent, manipulent le métal en fusion jusqu’à l’aboutissement de ces objets finis. Du coup de marteau au polissage, chaque mouvement est capturé et sublimé, rappelant la fragilité et la précision des savoirs traditionnels. Que le geste soit artisanal ou artistique, au-delà de ces lignes de démarcation, le changement d’échelle permet à la sculptrice d’asseoir ces objets définitivement comme œuvres dans un acte de révolte face à la disparition possible de ce patrimoine immatériel.
Pendant plusieurs mois l’artiste passe du temps auprès de bijoutiers dans la cour des Orfèvres à proximité du marché de Sandaga à Dakar, dont le bâtiment historique a été récemment détruit. Site historique dédié à l’art et l’artisanat, ce lieu, comme ces métiers, sont aujourd’hui menacés de disparition à cause de l’importation massive de produits manufacturés. Au-delà de la production d’objets ornementaux, ces ateliers représentent des espaces de savoirs qui s’inscrivent dans un tissu social et communautaire que Fourn s’efforce de comprendre, d’observer et de documenter dans ses photographies.
Ces dernières, au cadrage très rapproché, capturent les gestes et les outils au plus près, les rendant presque abstraits. La main et la relation physique de la chair avec ces instruments tiennent un rôle central dans ses images: la peau des fabricants se dévoile dans une velléité et vulnérabilité. Dans un geste d’association entre texte et image, certaines œuvres sont accompagnées de poèmes, faisant partie intégrante de l'œuvre, et révèlent la voix de la matière, la rencontre intime avec cette gestuelle, qui par moment, s’apparente à une métaphore qui garde son énigme.
Dans le creux de la main explore la concurrence entre le savoir-faire artisanal et l’évolution des technologies, questionnant les changements sociaux qui en découlent. Captivée par ces techniques de fabrication artisanale spécifique à l’Afrique de l’Ouest, c’est aussi les modes de transmission de ces savoirs, de maître en apprenti et la mémoire intangible de cet héritage menacé qui interrogent l’artiste. L’espoir de la jeunesse ne pourrait-il pas exister au sein de ces ateliers?, se demanderait l’artiste. À l’heure de la prolifération des gadgets technologiques de dernier cri qui s’approprient le bijou pour assurer l’ultra-connectivité numérique des consommateurs, ces œuvres interrogent notre lien de plus en plus étroit à la technologie: l’écrin devient écran, un jeu de dualités.
Biographie de l'artiste
Mélinda Fourn (née en 1995 en France) est une artiste française et béninoise. S'inspirant des savoir-faire artisanaux ouest-africains en matière de bijouterie, de métal, de céramique et de tissage, ses sculptures et installations multimédias interrogent la symbolique sociale et religieuse des outils du quotidien.
Elle est diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2021 et a suivi un programme d'échange à l'Université Kwame Nkrumah des sciences et technologies à Kumasi, au Ghana (2020).
Elle a participé à plusieurs expositions collectives : " Vertigineuses ", Selebe Yoon, Dakar ; " Le feu des origines ", Biso Biennale, Ouagadougou, Burkina Faso (2023) ; " Diversi-T ", Kosmokey, La Cité Fertile, Pantin, FR (2023) ; " Intention ", Azz-Art, Paris FR (2022) ; " Pièce, Habitation, Abri.... "Musée Delacroix, Paris, FR (2022) ; "Restitution" à l'Institut Français, Saint Louis, SN (2022) ; "100% l'Expo", La Vilette, France (2022), entre autres.
Elle a bénéficié de plusieurs résidences, notamment à Selebe Yoon, Dakar (2023) et Villa Saint-Louis Ndar (2022), ArtMéssiamé à Lomé, Togo (2021), Green Patch Ceramics, La Borne, France (2021) et Casa Lü, Ttlaplan, Mexique (2019).
Elle a reçu le prix de la résidence de la Biennale de Biso à Ouagadougou en 2023.
Elle vit et travaille entre Paris (France), Kumasi (Ghana) et Dakar (Sénégal).